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2001 - 2002

Madone de Bentalha

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Madone de Benthala, 2001-2002, Cire polychrome, 220x250x40 cm, collection Mudam Luxembourg.

Massacre à Bentalha

En 1991 en Algérie, alors que la victoire était acquise pour les islamistes du Front Islamique du Salut, l'armée arrête le processus électoral et décrète l'état d'urgence. Dès lors le pays devient le lieu d'un carnage inouï: de 150.000 à 200.000 morts entre 1991 et 1997.
Six ans plus tard, le 24 septembre 1997, la photographie d'une femme éplorée après le massacre des siens, surgit à la Une de la presse mondiale (750 couvertures le même jour) et révèle l'ampleur du conflit algérien.

À Bentalha, petite bourgade de la banlieue d'Alger, dans la nuit du 22 au 23 septembre des membres du Groupe Islamiste Armée (GIA) ont massacré avec une violence inouïe hommes, femmes, enfants, vieillards. Cette nuit-là, les militaires cantonnés à quelques centaines de mètres n'ont pas donné signe de vie. Dans la matinée du 23, Hocine Zaourar se trouve devant l'hôpital de Zmirli où est affichée la liste des victimes. Les familles sont là. Hocine prend quelques clichés. Dès lors sa vie bascule. Dans la célébrité mais aussi dans le combat contre des accusations sans cesse renouvelées.

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La diffusion mondiale de cette image ouvrira une polémique tant sur le plan esthétique que sur le plan politique.
Les autorités militaro-politiques vivent la « publicité » faite dans les médias occidentaux à la photographie d'Hocine comme une ingérence dans les affaires nationales algériennes, ce d'autant plus que certains journalistes, commentant cette image, se posent la question de l'identité des tueurs, sous-entendant une implication possible des autorités en place. Curieusement, à la veille du Prix World Press 1997, Oûm Saad, la personne photographiée, se fait connaître et décide de porter plainte en justice pour droit à l'image, diffamation (pour avoir été appelée « Madone») et informations mensongères (la légende diffusée avec l'image était inexacte).

La polémique n'intimidera pas les membres du jury qui consacreront cette image comme image de l'année 1997.
Le procès intenté contre Hocine Zaourar et l'AFP a abouti à un non-lieu en 2003, six ans plus tard.

En France si, dans un premier temps, les observateurs s'accordent à créditer cette image pour la prise de conscience qu'elle a permise, les critiques ne tardent pas à venir postulant que son esthétique consensuelle relevant de l'iconographie chrétienne n'ouvre pas sur un hors champ qui donnerait à voir les bourreaux, et lui enlève toute valeur politique. Certains commentateurs iront jusqu'à l'accuser d'avoir « déréalisé la guerre ».

Consacrée par le journal Le Monde comme la « Madone de Bentalha », décontextualisée du fait d'un recadrage opéré par l'agence France Presse, très rarement publiée en Algérie, cette image, toujours à la Une de l'actualité en 2005, permet pourtant d'accéder à la réalité algérienne, pour peu qu'on l'interroge, pour peu qu'on s'interroge sur ses conditions d'élaboration, de diffusion, de lecture.

 

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