pascal convert

1996-2000

Native drawings

 

"La succession des figures proposées trahit une métamorphose continue."
Jean Ricardou, La Prise de Constantinople

 

Verre, mur et vidéo

Depuis 1996, Pascal Convert réalise différentes pièces à partir de dessins d'enfant en très bas âge. Ces dessins sont de ceux pour lesquels la distinction entre la représentation et la non-représentation n'a pas encore pleinement pris son sens – un motif figuratif, une main, par exemple, celle dont l'enfant obtient l'image en suivant avec le crayon le contour de ses doigts écartés sur le papier, peut très bien y côtoyer un écheveau insensé de traits. Ils ressortissent, pour la plupart d'entre eux, à une veine très expressionniste, entrelacs multicolores de traits pour lesquels le plaisir du geste, et en premier lieu celui qui consiste à altérer le support, compte sans doute autant que l'obtention de tel résultat graphique. Les réalisations – intitulées Native Drawings – auxquelles donne lieu l'emploi de ces dessins convoquent divers matériaux, diverses techniques.

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La première d'entre elles a pour théâtre le quartier général de la firme Obayashi, à Tokyo. Elle utilise comme support le verre, et plus précisément deux grands murs de verre compartimentant un espace d'accueil du public. Chacun des murs se feuillette en trois panneaux que séparent deux intervalles d'environ 10 cm chacun. Les dessins ont été reportés sur le verre grâce à la technique du sablage (1) qui permet l'obtention d'un relief en creux recueillant la couleur diffusée au moyen d'un aérographe. Sur le premier panneau figurent les rubans qui ont été tracés au début de la genèse du dessin. Le deuxième panneau comporte les autres éléments. Quant au troisième panneau, il reprend l'ensemble du dessin, mais sans la couleur ; un sablage fort a creusé le verre d'après les formes du graphe, le reste du panneau ayant été soumis, lui, à un sablage doux.

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La deuxième réalisation emprunte les voies du dessin mural. Son cadre fut celui offert par les salles d'exposition du Fonds régional d'art contemporain de Picardie, à Amiens, de mars à septembre 2000. Une encre spectralite venait, en à-plats, enchevêtrer ses couleurs sur le blanc des vastes cimaises du lieu d'exposition. C'est à eux que les pages qui suivent seront plus spécifiquement consacrées. L'artiste eut recours au même matériau et à la même technique pour la troisième réalisation : quatre dessins muraux (dont un au plafond) visibles, depuis l'automne 2000, dans les locaux de l'Ecole Alsacienne à Paris (2). Ces Native Drawings, sous-titrés Mains, se distinguent des précédents, tout d'abord, par leur installation dans un lieu dont la fonctionnalité principale, n'étant pas expositionnelle, leur confère statutairement une vertu plus décorative, mais aussi par un taux de figuration plus élevé qui explique leur sous-titre, le dessin tuteur ayant la main pour thème représentatif. Enfin, à la galerie parisienne Site Odéon n° 5, cinq dessins ont été montrés de décembre 2000 à mars 2001, trois sur des cimaises, un sur la vitrine et un dernier à cheval sur mur et vitrine.

Aux Native Drawings succèdent des Native Movies, que présente, au printemps 2001, Le Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains (Tourcoing). Le vidéogramme s'est, en cette occurrence, substitué à la peinture sur verre ou au dessin mural. Une installation vidéo mobilise quatre projecteurs pour diffuser, en une éblouissante série de flashes chromatiques, des fragments d'un graphisme, selon autant de perspectives différentes. Seul le plan terminal donne l'image complète du dessin.

Hêtres et villas, polysomnographie

Si les Native Drawings prennent place dans la série, sans doute encore en cours, des pièces exploitant, au gré de divers supports, un dessin d'enfant, ils s'insèrent également dans un ensemble de dessins muraux qui jalonnent l'oeuvre de Convert. En effet, ils n'inaugurent pas le wall drawing dans l'oeuvre de celui-ci. Avant eux, l'artiste s'est plusieurs fois confronté à ce genre. Il y eut l'ensemble des pièces s'intéressant à la Villa Belle-Rose, l'une de ces trois demeures (Itxasgoïty, Argenson et Belle-Rose) construites pendant les années 1930 sur la côte des Basques à Biarritz et désormais détruites, dont la découverte, en 1983, a sans doute joué un rôle séminal dans le travail de Convert.

De la villa Belle-Rose, plusieurs dessins muraux ont livré d'abstraites perspectives, d'imposantes "vues en filaire". On pense en premier lieu à ces immenses dessins, de 1995 et 1996, à la mine de plomb, utilisant pour telle ou telles de leurs portions une laque rouge (3). Il y a aussi ceux, contemporains, exécutés au feutre sur un mur recouvert de cette même laque rouge (l'un très énigmatique, ne retenant de l'architecture reproduite que quelques éléments que l'imaginaire métonymique échoue à vraisemblablement resituer dans leur complet décor ; l'autre, aux complexes élévations perspectives qui semblent comme en apesanteur dans leur espace écarlate (4)). Certains dessins, de 1994 et 1996, se sont attachés très exclusivement à la rampe d'escalier de ladite villa, dont ils déploient et superposent les volutes au gré de perspectives que l'absence de tout autre élément du contexte architectural tend à résolument dévoyer. Rarement il aura été donné de mesurer aussi sensiblement l'articulation des deux sens de l'abstraction : extrusion et non-représentation.

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La villa Itxasgoïty a, quant à elle, servi de modèle à l'invraisemblable Pièce rouge (1996). Sur les quatre murs, recouverts de laque rouge, d'une salle d'exposition de la Villa Arson, à Nice, l'artiste fit tracer au feutre noir, en les superposant, des vues symétriquement opposées de la villa. L'oeil se trouvait ainsi confronté face à d'immenses graphes dont il identifiait immédiatement le représenté architectural mais dont il ne parvenait pas à restituer les cohérences planaires.

Oubliant un temps les villas biarrotes, les wall drawings de Convert se sont aussi plu aux insolites délinéaments que proposent des coupes de hêtre. En huit éléments dessinés à la mine de plomb sur le blanc du mur, une pièce de 1995 dispense autant de preuves des inépuisables réserves de crédibles abstractions graphiques léguées par la nature et ses objets. Mais ce bref rappel des occurrences de dessin mural jalonnant la production de Convert ne saurait s'achever sans la mention de la Chambre de sommeil (1992). Ayant dû se soumettre à un examen de polysomnographie, qui enregistre les événements affectant tous les paramètres de la vie humaine pendant le sommeil, l'artiste décida de donner existence opérale à ces relevés graphiques courant au long de centaines de pages. C'est ainsi que ces derniers se retrouvèrent exhiber leurs courbes, reproduites à la mine de plomb, sur les murs des salles d'exposition.

On le mesure donc, si le dessin mural n'est pas la langue native de l'art de Convert, il s'impose toutefois régulièrement à lui comme un recours, au gré d'un retournement, somme toute logique, qui veut que les dessins, après avoir montré des murs, soient montrés par ceux-ci.

Zoom, Artlantis, Illustrator

Les Native Drawings, d'envergure architecturale, exposés à Amiens, étaient au nombre de dix-sept. Les dessins intitulés Mona 1, Mona 3 et Mona 6, s'offraient au regard, chacun, selon quatre perspectives ; Mona 2, le seul du groupe à contenir d'évidents éléments représentatifs (une main verte, une autre rose), se montrait sous cinq versions (5). Les quatre états de Mona 1, Mona 3 et Mona 6 occupaient, respectivement, les quatre murs d'un espace donné. Il en allait de même pour quatre des perspectives de Mona 2, une cinquième, d'esthétique très différente, se présentant sous la forme d'une frise, investissait, à elle seule tous les murs d'une salle, à hauteur d'oeil. Il ne s'agit pas, ici, de reconstituer le détail d'une scénographie pour la seule satisfaction d'une motion documentaire, mais parce que la distribution réglée des dessins dans l'espace d'exposition participait d'une rhétorique au service du projet même de Convert. Ce projet, quel est-il ? Que sont ces différentes perspectives d'un dessin d'enfant dont il a été question ? En d'autres termes, il convient maintenant de s'attacher, dans un premier temps, à la réalité du traitement que les Native Drawings infligent à l'enfantin dessin qui leur sert d'origine pour tenter, dans un second temps, de définir les effets provoqués par ce traitement.

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Au départ, l'artiste filme un enfant en train de dessiner, de gribouiller aurait-on envie de dire si une fâcheuse valeur de péjoration n'était accolée à ce terme. Deux documents sont donc à la disposition de l'oeuvre à naître : le récit filmique de la genèse du dessin et le résultat de celle-ci, sur une feuille de papier. C'est à partir de ces deux documents, à partir du procès et de son produit, que le dessin va se voir soumis à l'actif d'une numérisation. Tout d'abord, il est analysé de sorte que chaque trait soit identifié et codé en fonction de quatre paramètres : sa forme (rectiligne, courbe), sa couleur (de quatre à huit par dessin) – que suffit à établir le produit –, la vitesse de son exécution et l'ordre de son apparition – dont le film du procès est l'indispensable témoin. Un modeleur 3D, en l'espèce Zoom, va ensuite s'emparer du dessin ainsi paramétrisé pour placer chacun des traits déterminés dans un espace virtuel à trois dimensions.

C'est la plus ou moins grande vitesse d'exécution qui règle la position de tel segment sur l'axe de la profondeur. Plus le trait a été tracé vite par l'enfant et plus il s'éloigne du premier plan. C'est donc le temps qui se convertit en espace. C'est donc le temps qui, dans l'affaire, joue la partie baroque, en imprimant ses plis aux traits ainsi métamorphosés en prismes rubanesques. On mesure sans peine la complexité de pareil labeur informatique qui doit s'effectuer pour transformer chacun des traits repérés en un ruban qui ondule plus ou moins, puis pour assurer les positions respectives des uns et des autres au regard de leur ordre d'apparition dans la fabrique du dessin. Une fois obtenue la tridimensionnalisation virtuelle du dessin d'origine, par répartition dans l'espace virtuel de l'ensemble des prismes obtenus, l'artiste peut demander à l'ordinateur, et plus précisément au logiciel d'images de synthèse Artlantis, de lui offrir différents points de vue – de face, de profil, de trois quarts, de derrière, du dessous, du dessus, etc. – sur cet entrelacs graphique. Ainsi l'objet virtuel, en pivotant sur lui-même sur un axe vertical, se laisse-t-il découvrir sous autant d'angles que les 360° de la rotation en proposent sur l'écran (6). On l'imagine, ce n'est pas du tout le même spectacle qu'offre le dessin tridimensionnalisé, le solide graphique, selon qu'il se livre frontalement ou de biais à la vision.

En fonction de l'angle adopté certains traits vont en recouvrir d'autres ou au contraire s'en éloigner ; parfois même, en telle zone, ils ne présenteront plus au regard que la tranche des rubans qu'ils sont devenus, prenant alors l'aspect d'insondables calligraphies aux échos extrême-orientaux. Parmi la multitude des perspectives que cette rotation rend disponibles, Convert retient celles qui devront faire l'objet d'une application murale. Bien évidemment son choix s'opère notamment en fonction de critères purement subjectifs mais aussi de la configuration (morphologie et superficie) du subjectile mural à investir. Après l'adjonction d'une troisième dimension au dessin, celui-ci va donc finalement faire l'objet d'une rebidimensionnalisation, grâce à Illustrator, sur le mur d'exposition. A ce stade terminal, il ne reste, en certaine mesure, rien de la stéréoscopie permise par l'ordinateur, rien sinon quelques déformations, quelques spectaculaires métamorphoses du dessin natif.

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La frise obtenue à partir de Mona 2 est, elle, le produit d'un traitement quelque peu différent. En effet, telle perpective du dessin, pourvu d'une virtuelle troisième dimension, a été basculée sur l'axe horizontal de façon à obtenir d'elle une vision "télescopique", avec un angle de vue minime, de 1 ou 2 degrés. Aussi, alors que les autres perspectives de Mona 2, globalement ou par un détail, peuvent faire songer parfois aux graffitis de Cy Twombly, à telles gouaches new yorkaises de 1954 notamment, parfois aux Yarn Paintings (1983) de Andy Warhol, mais à des Yarn Paintings à qui il serait arrivé quelque chose, quelque chose de louche qui aurait affecté la régularité, tant morphologique que spatiale, de leurs "drippings", la frise, quant à elle, appartient à un autre monde plastique.

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untitled, Cy Twombly

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Yarn Paintings, Andy Warhol


Elle apparaîtrait plutôt comme, tout à la fois, une pictorialisation et un dérèglement des courbes polysomnographiques évoquées précédemment ou, par sa complexité réticulaire, comme la version non figurative des superpositions de plans mises en oeuvre par la Pièce rouge ou les dépositions de l'Appartement de l'artiste (et plus particulièrement la pièce de 1992, désormais détruite, qui déposait au sol, en les rabattant les uns sur les autres, en une savante structure de bois mouluré, les motifs ornementaux, courbes et rectilignes, des quatre murs d'un salon dans le style du XVIIIème siècle). La frise, anamorphose ultralinéaire d'un dessin plutôt circulaire dans son (in)organisation originelle, ajoute la quatrième dimension, le temps, à son ordre plastique. Mais le déroulement du temps qu'engage sa vision ne s'appuie nullement sur quelque narration. Le temps s'écoule dans le parcours labyrinthique des traits ; aucune histoire ne progresse.

Le traitement informatique de données graphiques préexistantes, dont cette frise ou les autres perspectives procèdent, apparente les Native Drawings à certaines expérimentations engagées depuis déjà un certain temps dans le domaine musical. Ainsi, et pour prendre une oeuvre presque contemporaine des Native Drawings, il ne serait pas illicite d'engager une comparaison du traitement du dessin d'enfant avec certains aspects d'une composition comme Leçon de choses (1993) de Philippe Hurel. En effet, cette oeuvre contient des éléments joués à la fois par l'ensemble orchestral et par les sons de synthèse.
Ces éléments se contaminent progressivement en une polyphonie, redéployée par des haut-parleurs dans l'espace, conduisant à une section très rapide, injouable par des musiciens et donc constituée d'instruments échantillonnés. Le son de chacun des instruments se transforme peu à peu en un autre son instrumental de l'ensemble – ces transformations donnant lieu à des rotations dans l'espace, modifiant les perspectives sur l'objet sonore (7). Ce rapprochement des Native Drawings et de Leçon de choses permet, d'une part, de constater que, sur un schéma opérationnel donné, il est possible d'avérer des ressemblances, davantage même, des solidarités inter-domaniales, et, d'autre part, de mesurer les différences de temporalités, notamment technologiques, entre ces domaines : sur le terrain pictural, les Native Drawings constituent pratiquement un hapax au regard de leur fabrique ; la pièce de Hurel, pour singulière qu'elle soit, s'inscrit dans ce qui est déjà une tradition en matière de traitement électronique du son – le Répons (1981-84) de Pierre Boulez aurait aussi pu être cité comme exemple d'une oeuvre utilisant un ordinateur pour analyser, transformer et spatialiser, en temps réel, les sons émis par des instruments.

Mais, après ce bref intermezzo musical, il est temps de revenir à Amiens où les Native Drawings présentés offraient au regard, dans chaque salle, quatre points de vue sur un dessin donné. Plus précisément, un coup d'oeilcirculaire permettait de découvrir l'agrandissement aux dimensions du mur du dessin d'origine et trois transformations de celui-ci dues aux prouesses de l'infographie. Pareille mise en scène, outre son potentiel kaléidoscopique, avait l'insigne avantage d'autoriser une confrontation directe des quatre perspectives grâce à un jeu de multiples et incessants va-et-vient du regard entre elles, jeu à travers lequel une fine dialectique du même et de l'autre, du détail et de l'ensemble, savait trouver son compte (aussi faut-il souhaiter que les aléas du destin expositionnel de ces pièces ne conduisent jamais à la présentation d'une seule version d'un dessin donné).

Une fois cernée la façon dont ces dessins natifs ont été confus, il reste à s'interroger sur la nature des effets qu'ils délivrent. Ces effets sont de toute évidence multiples. Néanmoins, il est sans doute loisible, dans un premier temps, de simplement constater qu'ils partagent une foncière étrangeté, ou peut-être faudrait-il dire, reprenant le beau mot de Georges Didi-Huberman pour donner toute sa force au sentiment éprouvé, un réel " étrangement " (8).

 

L'effet pop

Un premier facteur d'étrangeté réside dans l'abandon par ces dessins, après la double conversion, numérique et murale, qui les a affectés, de leur langue native. Ces grands graphes multicolores deviennent étrangers à l'origine que pourtant ils affichent. Mais qu'est-ce qui de leur origine, qu'est-ce qui de leur état natif se perd dans l'application murale ? Ceci : l'immanence du procès au produit. Plus précisément, font défaut au wall drawing par rapport à son enfantine matrice, d'une part, la compatibilité scalaire du produit et du procès, d'autre part, la charge indicielle que certaines modalités processuelles supposent à leurs produits.

Face à ces amples dessins muraux, un décalage est flagrant : le type de gestualité qu'implique le tracé des dessins exposés a l'empan, et non l'architecture, comme terrain d'exercice. Ce ne peut être que sur quelques centimètres carrés que pareil gribouillage trouve raisonnablement à s'effectuer, non sur l'étendue d'une vaste cimaise. Autrement dit, la dimension du produit visible, le wall drawing, est étrangère à la réalité gestuelle de son procès originaire. Mais l'incompatibilité entre les effusifs petits coups de feutre qu'une main d'enfant peut déposer sur le papier et l'imposant autant qu'impeccable dessin mural n'est pas que dimensionnelle, elle est également statutaire. Si l'agrandissement contredit le geste natif d'engendrement, il accorde également une manière de promotion esthétique à ce qui n'était au départ qu'un simple griffonnage.

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Panoramas, Jean-Marc Bustamante


D'autres travaux que les Native Drawings ont misé sur cet écart scalaire. C'est le cas notamment de ces sérigraphies sur plexiglas de Jean-Marc Bustamante intitulées Panoramas (la première date de 1998), utilisant une, deux ou trois couleurs, et qui procèdent de l'agrandissement de rudimentaires petits dessins – le format de la plaque de plexiglas pouvant aller jusqu'à 160 x 300 cm.

C'est également le cas de nombre de peintures de Jonathan Lasker, produites à partir de la seconde moitié des années 1980, qui élèvent à la dimension d'icônes de l'art abstrait, à grand renfort de couleurs pop de mauvais goût (roses intenses, verts louches et autres flambants vermillons), ce qui paraît plutôt ressortir à une pratique du gribouillage. Ainsi une pièce comme Culture for Infants (1989) a pour arguments une série d'épaisses lignes noires sur un fond d'un vert incertain et, se détachant de l'ensemble, une infâme petite forme rose à laquelle trouverait parfaitement à s'appliquer la formule de "spontanéité gelée" employée par Hans-Michael Herzog au sujet de l'art de Lasker (9).

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Between Theory and Reality, Formidable Embodiment, Jonathan Lasker

Ainsi un tableau comme Between Theory and Reality (1993), d'envergure relativement modeste, se compose-t-il de trois gribouillages, un rouge, un bleu, en à-plat, et un rose, très painterly, placé sur le précédent, ainsi que d'une ligne horizontale noire placée entre le rouge et le bleu. Quant à une toile comme Formidable Embodiment (1997), grand rectangle horizontal engageant son spectateur dans un rapport physique avec lui, elle mérite pleinement son titre en disposant sur un fond de traits curvilignes noirs trois formes, dont deux correspondent à une manière de resserrement de la maille noire du fond et la troisième consiste en épais entrelacs oranges et noirs, le tout souligné d'une pâteuse barre d'un incertain bleu clair. La genèse des tableaux de Lasker, que Camille Morineau a opportunément rappelée, confirme le sentiment du spectateur : " Sur un carton de la taille d'une main, le peintre dessine au crayon Bic, feutre, stylo, etc., des formes dont il se contente ensuite de "transposer" la spécificité avec les outils du peintre : pinceau, tubes de couleur, etc. ". La commentatrice ajoute : " La transposition d'un "modèle", structurellement inexacte parce que réalisée avec des outils forcément différents, est une procédure [...] qui sert surtout de source et de paradigme aux jeux de miroirs déformants, aux glissements et à la mécanique faussée de l'oeuvre. (10) " Cette transposition semble souvent procéder d'un effet de loupe donnant à voir ce qui ne l'était pas à l'échelle d'origine. Beaucoup de tableaux de Lasker tirent bien sûr du caractère fictif de cette révélation une grande part de leur subtile saveur (11).

Ainsi tout se passe comme si l'agrandissement d'un modèle d'origine qu'est, conformément à son titre, Formidable Embodiment permettait de faire surgir le relief dissimulé de certains traits. Grâce à la loupe une matérialité advient, se discrimine de son entour : de délicieuses arabesques et une magnifique droite affirment leur pâte au regard des avoisinantes formes noires restées, elles, bien planes. Dans le remarquable Between Theory and Reality, l'on se plaît à croire que l'agrandissement a rendu sensible la troisième dimension du gribouillis rose tranchant sur les deux seules dimensions de ses pairs, rouge et bleu. Au spectateur qui accepte le jeu, le changement d'échelle paraît l'indispensable biais d'une épiphanie des différents régimes picturaux qui polarisent le champ de la toile. Certes truqué, feint, l'effet de loupe s'accompagne toutefois d'une manière de surcroît de réel, de ce réel dont l'indice est ontologiquement porteur. Avec les Native Drawings de Convert, rien de tel ne se produit. La mutation scalaire n'est pas référable à une loupe – on en a vu le mécanisme. Et c'est plutôt une déréalisation qui s'éprouve. Non seulement les traits ne sont plus à l'échelle du geste qu'ils impliquent, mais au surplus leur lisse et irréprochable condition plastique a perdu toute la charge indicielle qui devait affecter le dessin natif. Avec la conversion scalaire, la transformation des indices en icônes est achevée (12). Sous cet angle, peut-être n'est-il pas inutile de mettre en rapport ces grands wall drawings de Convert et les Brushstrokes Paintings de Roy Lichtenstein.

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Brushstrokes Paintings, Roy Lichtenstein

On le sait, l'un des grands ressorts de l'esthétique "pop" aura consisté en l'affirmation d'une infinie capacité à tout transformer en image, ou, si l'on préfère, à prendre acte de la transformation de tout en image. Les objets de grande consommation, bien sûr ; n'importe quel artefact, en fait ; la peinture aussi, par conséquent. Par peinture, il faut entendre les chefs-d'oeuvre du passé, lointain ou récent ; on songe alors aux reproductions entreprises dès 1962 par Roy Lichtenstein, dans l'idiome de la bande dessinée, d'oeuvres de Cézanne, Picasso ou Mondrian ; on pense également aux reprises par Andy Warhol, de 1963 jusqu'aux années 80, des peintures de Ucello, Botticelli, Léonard, Piero, Cranach, Munch, De Chirico, Matisse ou Picasso. Mais par peinture, comme objet de l'universelle conversion en image, il convient encore de comprendre deux choses : une pratique générique, celle, par exemple, de la peinture abstraite (les Abstracts de Warhol (13) et tout ce que l'on pourrait nommer l'abstraction "post-pop", avec des peintres aussi divers que, parmi de multiples autres, Olivier Mosset, Jonathan Lasker, Peter Halley, Christopher Wool ou Steven Parrino) ; mais aussi le matériau pictural, la trace qu'en laisse le pinceau sur la toile ; c'est là que prennent place les Brushstrokes Paintings (1965-1966). Celles-ci, à la différence des précédentes peintures de peintures de Lichtenstein, ne se réfèrent pas aux oeuvres d'un artiste donné, mais renvoient, génériquement, à un style, celui de l'expressionnisme abstrait, dont le parangon pourrait être la peinture de Willem de Kooning. Ces pièces, qui, pour la plupart, dans la tradition de l'expressionnisme abstrait, du reste, sont de grand format, représentent une ou plusieurs traces de pigment laissées par un pinceau hâtivement appliqué et déplacé sur la surface d'une toile.

Deux éléments interdisent que le spectateur entretienne, ne fût-ce qu'un instant, l'illusion d'avoir affaire à de réels coups de pinceau. D'une part, la technique utilisée produit une représentation précise mais stylisée ; en effet, les traces picturales, sur un fond consistant en une trame de points, sont représentées au moyen d'à-plats de couleur que cernent et divisent des traits noirs de façon à restituer les effets de relief de l'épaisse pâte qui est celle qu'affectionne l'expressionnisme abstrait. D'autre part, l'échelle de la représentation est si grande que l'hypothèse de l'oeuvre d'un pinceau, même géant, ne saurait être envisagée. Pareille représentation dégage une évidente ironie. L'empreinte d'un pinceau chargé de pigment, instrument d'une gestualité rapide qui s'exhibe, se voit, ici, représentée selon une technique minutieuse qui est à l'opposé des procédés de l'action painting. Et, pour accroître encore cette contradiction, le mime des dépôts picturaux s'étend jusqu'aux plus accidentels de ceux-ci, dégoulinements et autres déperditions pigmentaires. En d'autres termes, les Brushstrokes Paintings tirent leur attrait d'une ironie sémiologique : un indice y devient l'objet d'une icône, le coup de pinceau, une image de coup de pinceau.

L'activité représentative est certes moins délibérée dans les Native Drawings que dans les Brushstrokes Paintings ; le spectateur est, face aux premiers, plus sensible à l'agrandissement qu'à la représentation, qui est le ressort des secondes. Toutefois, les deux ont en commun de livrer des transpositions impeccables, lisses, froides de ce qui, originairement, ne valait que d'être la trace d'un geste, d'un mouvement. Ce qui est donné à voir n'est plus un indice, mais l'icône d'un indice. Le gribouillage plus ou moins convulsif est devenu un ruban de couleur aux contours sûrs, arborant une surface unie où l'encre spectralite ne veut en aucun cas se souvenir des éventuels aléas de sa projection. Même les ratés du dessin natif, même les scories de sa fabrique accèdent sur la cimaise à la dignité plastique, à la pleine reconnaissance de leur être morphologique et chromatique. Les Native Drawings sont, à ce titre, un grand exercice de récupération iconique.

En cela ils contrastent avec le reste de la production "picturale" de Convert, qui est plutôt du côté de l'exaltation de l'indice que de sa récupération iconique. L'on songe notamment à la remarquable série des Empreintes de peinture (démarrée en 1993), déconcertant exercice d'exaltation indicielle qui donne lieu à des moulages en laque ou en cire de peintures figuratives dont seul le relief – les indices du travail du pinceau ou du couteau – est ainsi sauvegardé, la dimension iconique étant presque définitivement perdue. Si, par leur propos plastique, ces grands dessins muraux jouissent d'une incontestable motivation ontogénétique, s'ils trouvent parfaitement leur place, contrastive ou parallèle, dans le développement de l'oeuvre de Convert, ils s'inscrivent non moins dans la phylogenèse des arts plastiques, participant d'une manière d'abstraction "post-pop" ou "post-moderne" en ce qu'ils affirment la possibilité d'un devenir-image de ce qui ne songeait à y prétendre – le petit, innocent et hâtif dessin d'enfant converti en vaste fresque murale grâce à des techniques sophistiquées –, bref en ce qu'ils sont des images de peintures plus que des peintures.

Que la double mutation scalaire et iconique apparente les Native Drawings à l'esthétique "pop" et, consécutivement, à certaine abstraction d'après l'iconoclasme moderniste, il est toutefois impossible d'amortir leurs effets dans ce seul apparentement. Et cela, tout simplement parce que les dessins d'origine ne sont pas uniquement agrandis et délestés de leur teneur indicielle. Ils sont aussi soumis à un traitement qui délivrent d'eux d'insolites anamorphoses.

 

2001, Matrix, Terminator

A propos de la Pièce rouge, déjà évoquée, Georges Didi-Huberman écrit dans l'ouvrage qu'il a consacré à Convert : " Opération étrange : précise, elle déconstruit cependant l'illusion référentielle, défie toute perception optique, réunit ses points de vue comme une tête serait capable de superposer son visage avec sa nuque (14) ". L'historien de l'art est ainsi amené à évoquer quelque bouleversement anatomique et mental pour relever le défi visuel proposé par ce savant empilement de plans architecturaux. Quel cerveau serait capable de tels exploits scopiques ? Celui dont l'Empreinte (1992) cuivrée d'un corail délivre l'image – l'image des circonvolutions cérébrales de quelque androïde ? Peut-être faudrait-il mettre la remarque de Didi-Huberman en rapport avec telle autre formulée naguère par Jean-Pierre Criqui à propos de l'une des pièces de la série dite de l'Appartement de l'artiste. La pièce concernée, qui date de 1990, se présente comme un parallélépipède impénétrable, inaccessible, dont les parois externes reproduisent, en marmorite noire et bois peint en blanc, le décor mural d'un appartement. S'agissant de cette singulière sculpture, le critique se souvenait de 2001, l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick et, plus particulièrement, du décor de la chambre que les souvenirs de l'astronaute David Bowman engendrait probablement et où, en tout cas, ce dernier finissait un fort périlleux et irréversible voyage interplanétaire, vers Jupiter et au-delà de l'infini (15).

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Il serait d'ailleurs loisible de pousser plus avant l'examen des liens de 2001 et de l'oeuvre de Convert, pour, par exemple, rapprocher les courbes de polysomnographie du sommeil des astronautes en hibernation que les écrans du vaisseau spatial arborent et celles dont Convert a choisi de faire des tableaux ou des wall drawings. Mais il est vrai que le voyage interplanétaire entrepris par les astronautes de Kubrick n'est pas sans rapport avec les arts plastiques. D'une part, une scène montre Bowman dessinant les autres membres de l'équipage dans leur caissons d'hibernation, puis soumettant ses croquis à l'appréciation du super-ordinateur Hal 9000. D'autre part, en tel moment de son voyage, Bowman va, au cours d'une longue séquence de près d'une dizaine de minutes, voir défiler, selon diverses vitesses, une série d'images fortement colorées, tourbillons de poussière et de gaz d'une explosion galactique, images quasiment abstraites, qui font aussi de cette odyssée une traversée de la peinture, avant que le parallélépipède noir à la Tony Smith, après avoir inquiété une assemblée de primates au début du film, ne revienne pour opposer à Bowman et au spectateur sa sculpturale et monolithique énigme. Les liens entre " le film de science-fiction de référence " (pour reprendre les mots du réalisateur) et l'art de Convert en ses plus récents développements auraient d'ailleurs pu être encore plus forts si n'avaient été éliminés lors du montage de 2001 des plans montrant des scènes de vie familiale et sociale dans la base lunaire au cours desquelles on apercevait des petites filles en train, il ne pouvait en être autrement, de s'adonner aux joies de la peinture de chevalet (16).

Mais le travail de Convert suggère bien d'autres références science-fictionnelles. Ainsi l'Autoportrait de 1993, hallucinante empreinte négative de la tête de l'artiste, en porcelaine de Sèvres, biscuit et émail bleu, dans une urne suspendue, et, plus généralement, les empreintes négatives de Convert ont probablement autant à voir avec certaines péripéties de films de science-fiction qu'avec l'histoire de la sculpture et du moulage. Ils ont à voir notamment avec le Matrix (1999) des frères Wachowski, qui montre en une fameuse séquence le héros, Thomas Anderson alias Neo, toucher du doigt un miroir qui va profiter de ce contact pour s'emparer de son corps et se livrer à une totale vitrification qui s'étend par la bouche puis l'oesophage à l'intérieur de l'organisme pour y produire une manière d'empreinte négative que les nécessités de la fiction et un fondu-enchaîné avec le plan suivant ne permettront pas d'actualiser. Ils ont encore plus à voir avec le Terminator 2 : le jugement dernier (1991) de James Cameron et ses célèbres images où les impacts des balles de gros calibre sur le corps du Terminator lancé, à travers le temps, à la recherche d'un enfant ont l'exacte apparence des empreintes négatives en argent réalisées par Convert (17). Mais, dans le cas précis, peut-être est-ce aussi que le film en question lui-même est hanté par la sculpture. La scène finale ne se déroule-t-elle pas dans une fonderie, où, après nombre de spectaculaires métamorphoses qui l'auront fait passer, à travers divers états, de l'absolue réplique du corps humain à la flaque au sol, le métal du caméléonesque Terminator connaîtra une irrémédiable liquéfaction. La Morphothèque 7 (1993) de Erwin Driessens et Maria Verstappen (18) – sculpturale manoeuvre de morphing se traduisant par dix-huit petits éléments de bronze figurant une série d'états intermédiaires, parmi lesquels une informe flaque, entre deux corps distincts de femme – donne comme une version non narrative et pacifique des transformations du Terminator.

D'autres occurrences que l'Appartement de l'artiste et les empreintes négatives peuvent encore témoigner des affinités science-fictionnelles de l'art de Convert. L'un des grands dessins muraux de la Villa Belle-Rose formalise une réalité qui ne semble pas appartenir au monde qui est le nôtre : les degrés d'un escalier pris dans le trait qui sert de cadre au dessin conduisent à un étage, comme en apesanteur, aux plafonds duquel deux caissons font baroquement valoir le rouge qui les sature. De surcroît, cette vision qui réduit un objet à ces lignes est souvent celle, comme des effets ponctuels de caméra subjective chéris par la fiction hollywoodienne le révèlent, des robots évolués. Assurément, les Native Drawings cultivent, eux aussi, cette veine de l'art de Convert. Devant ces grands dessins muraux qui se donnent à voir sous plusieurs angles, l'on ne peut s'empêcher de rêver à quelque peintre d'un genre nouveau – l'ordinateur Hal par exemple, pour s'en tenir à la référence kubrickienne –, un peintre dont la pensée picturale en acte libérerait le trait de ses servitudes dimensionnelles. Le film de Kubrick constitue décidément un bon filon référentiel. On se rappelle qu'à la fin de la longue séquence initiale un primate jette en l'air un os. Au gré d'un saisissant raccord ledit os se transforme en vaisseau naviguant dans l'espace intersidéral. De la même façon le dessin primitif choisi par Convert se métamorphose, grâce à l'interface numérique, en un graphe fort évolué. Comme 2001, l'odyssée de l'espace avec l'histoire de l'humanité, les Native Drawings s'adonnent, avec l'histoire de la peinture, au jeu de l'ellipse temporelle : de l'art pariétal (19) à l'image numérique, sans épisode intermédiaire ; de graphismes préhistoriques à une abstraction post-historique révolutionnante (le sens géométrique se confondant peut-être en cette occurrence avec l'autre) sous l'effet d'une intermédiation informatique ; d'un âge où la distinction entre figuration et abstraction n'est pas encore de sens à un âge où elle n'a plus cours.

Bien évidemment si tels aspects d'un univers de science-fiction peuvent ici être évoqués à propos du travail de Convert, c'est dans la seule optique de rendre compte de l'étrangeté de certaines oeuvres. En aucun cas, ce travail n'entretient de rapport direct, thématique avec la science-fiction. Les Native Drawings ou les empreintes négatives n'ont, de ce point de vue, rien à voir avec les Große Geister (1996) de Thomas Schütte, ces grands moulages d'aluminium, hauts de 2,5 m, représentant des êtres d'un autre monde, dont la morphologie ne peut manquer de rappeler certains des états transitoires par lesquels passe le mercure liquide du Terminator entre deux incarnations. Aucune des productions de Convert ne fait, de la sorte, explicitement référence à la science-fiction. Simplement, quelques-unes d'entre elles, déterminées par la propre logique du travail, sont tellement singulières que seuls des récits de science-fiction, libérés de la contrainte du vraisemblable, ont pu en intégrer de ressemblantes. Ce lien entre la "tératologie" de certaines productions esthétiques et la science-fiction, des romans de Claude Ollier comme La Vie sur Epsilon (1972) ou Enigma (1973) (20) l'ont pointé, en jouant de cette aptitude du récit de science-fiction à "naturaliser" des événements scripturaux auxquels répugnent les lois de la vraisemblance et du roman réaliste. Ce sont, par exemple dans le premier, d'étranges phénomènes climatiques qui, sur la planète Epsilon où le vaisseau des quatre astronautes est mystérieusement tombé en panne, motivent les inserts de corps narratifs étrangers qui brisent le fil dramatique du récit. Ce sont, dans le second, les techniques inédites expérimentées sur la planète pour soigner les astronautes frappés d'amnésie qui cautionnent l'hétérodoxe structure récitative déployée. En somme tout se passe comme si, en un moment historique donné, les intégrateurs disponibles pour accueillir des objets profondément "anormaux" étaient, soit les lieux d'exposition de l'art contemporain, soit les récits de science-fiction. Mais peut-être faudrait-il dire plus justement que l'une des rares médiations sociales possibles pour ces objets, comme certains de ceux que l'art de Convert régulièrement invente, pour ces ovni chus en ces sites que sont la galerie ou le musée, c'est le récit de science-fiction (21).

Devenu – par sa taille, son mode d'application et ses déformations perspectives dues au traitement informatique – étranger au griffonnage natif dont il procède, le dessin mural de Convert est ainsi un être plastique plutôt étrange, celui que pourrait réaliser un peintre issu d'un monde de science-fiction. Mais si agrandir aux dimensions d'un mur un petit dessin d'enfant, si métamorphoser en à-plat méticuleux le coup de feutre hâtif, si prêter aux traits une troisième dimension pour pouvoir les observer sous plusieurs angles constituent des opérations qui génèrent de l'étrangeté, au point d'évoquer le paradigme science-fictionnel, il reste à comprendre pourquoi elles paraissent tellement étranges.

L'informe et l'informatique

On se souvient que Georges Bataille, en 1929, dans l'article "Informe" du fameux "Dictionnaire critique" entrepris dans Documents, écrivait qu'"affirmer que l'univers ne ressemble à rien et n'est qu'informe revient à dire que l'univers est quelque chose comme une araignée ou un crachat " (22). Peut-être est-il permis d'avancer que, si les Native Drawings de Convert s'avèrent insolites, c'est qu'avec eux quelque chose comme une araignée ou un crachat devient un univers.

Que les dessins griffonnés par Mona puissent, parmi d'innombrables autres événements formels, constituer des images informes, ou plutôt des images de l'informe, ne saurait surprendre. Ils ont, vus depuis la galerie ou le musée, un patent et violent caractère régressif ; petites formes misérables, ces gribouillages sont dénués de toute prétention artistique ; ils ne cherchent nullement à faire oeuvre. Ils sont, en outre, sans puissance figurale, ne s'adonnant que furtivement à la représentation, et encore par le biais de ce signe le moins idéaliste, le moins élevé qui soit : l'indice ; défigurer un support, en l'incisant, en le maculant, leur importe plus que figurer. Rien, en eux, n'indique qu'ils sont finis ; rien ne témoigne en eux d'une manière de clôture de la forme sur elle-même. En cela, l'on est fondé à dire que les traits de Mona ont affaire à l'informe. C'est d'ailleurs pour cette raison que les dessins d'enfant ont intéressé Bataille. Ainsi, pour illustration liminaire à l'article consacré à l'art primitif dans Documents, celui-ci aura choisi une aquarelle intitulée Pauvre girafe et signée de Lili Masson (9ans), fille du peintre (23). Quelques pages plus loin, dans le cours du même article, ce seront des graffitis d'enfants abyssins relevés par Marcel Griaule qui se verront convoqués. De toute évidence, Bataille perçoit dans les dessins enfantins, dans ces native drawings, l'informe à la besogne.

Mais que fait Convert des informes dessins de Mona ? De quel rapport à la forme les Native Drawings, dans la descendance de cet informe natif, participent-ils ? Il paraît légitime d'affirmer que le traitement que l'artiste fait subir à ces dessins est de l'ordre d'une formalisation. En effet, comme on l'a vu, chaque trait du dessin est identifié ; il se voit attribué une identité numérique, dimensionnelle, chromatique, morphologique, temporelle, en vue du traitement qui le conduira à la cimaise. Or, rien n'est plus contraire au mouvement de l'informe que l'affirmation identitaire – l'informe étant précisément ce qui vient miner, menacer, dénoncer les prétentions, de quelque ordre qu'elles soient, d'une forme à l'identité, ce qui vient récuser cette pensée " exigeant généralement que chaque chose ait sa forme ", pour reprendre les mots de Bataille dans le même article. Au contraire du traitement appliqué aux dessins de Mona, l'informe procède d'un mouvement qui va du différencié à l'indifférencié. Avec les Native Drawings, l'informe se voit donc ramené à la raison formelle. Avec eux, l'informatique informe l'informe. Analysé, agrandi, mis en perspective, désindicialisé, peint, l'informe dessin natif fait l'objet d'une véritable formalisation, certains diraient d'une esthétisation.

A quoi, à quel geste cette formalisation correspond-elle ? Tout simplement peut-être une inversion de perspective. L'on pourrait dire que le regard contemporain a, grâce à Bataille et Documents, mais grâce aussi à une exposition comme L'informe : mode d'emploi (24), appris à déceler l'informe sous la forme, à observer le travail de l'informe dans la forme, le travail de la forme par l'informe. Pour lui, désormais, les perforations de Lucio Fontana, les Liquid Words de Ed Ruscha, les cuissons de Gordon Matta-Clark ou les pourings de bitume ou de glu de Robert Smithson constituent d'indiscutables emblèmes de l'informe. Mais, bien au-delà de ces références historiques, il sait détecter les basses, déclassantes, pulsantes, dégradantes menées de l'informe dans toute production artistique. L'informe a, en quelque sorte, acquis une identité, lui qui avait pour tâche de combattre toute identité. Avec une oeuvre comme les Native Drawings il serait demandé à ce regard de changer de perspective pour, en quelque mesure, repérer la forme dans l'informe, pour voir un univers dans ce quelque chose comme un crachat ou une araignée. Ces grands dessins muraux font effectivement naître de ces quelques traits jetés par un enfant sur un bout de papier un véritable univers plastique, si riche qu'il peut donner de lui-même une multitude de perspectives. La posture assurément est nouvelle ; l'oeil n'est pas encore parfaitement accommodé, et non moins l'esprit. Le trouble s'explique. Mais quel sens convient-il de prêter à pareille inversion de point de vue ? S'agit-il tout bonnement d'une entreprise de réduction de l'informe ? d'un moment de relève dialectique ? ou d'une manière de contre-réforme formelle, formaliste ? La réponse n'est assurément pas aisée. Il est toutefois permis de risquer deux hypothèses.

Les anamorphoses informatiques infligées aux informes griffonnages de Mona ouvrent un champ d'interrogations. Il est en effet difficile ne pas estimer qu'une problématique comme celle de l'informe ne soit pas affectée, d'une façon ou d'une autre, par une technologie qui permet de faire et défaire les formes, de déformer, de métamorphoser les images. Il ne s'agit pas, on l'a compris, d'affirmer naïvement le pouvoir de l'informatique à faire naître la forme de l'informe, ou, à l'opposite, à instiller de l'informe dans la forme. Il s'agit plutôt d'entendre que ce qui définissait un régime d'exception, d'anormalité, souterrain, bref ce qui constituait un attentat à la forme est devenu ou en train de devenir un mode normal d'existence des images. Si, comme l'écrit Didi-Huberman, l'informe qualifie " un certain pouvoir qu'ont les formes elles-mêmes de se déformer toujours, de passer subitement du semblable au dissemblable (25) ", si, comme l'a noté Yve-Alain Bois, la forme visuelle moderne exclut la temporalité de son champ, alors l'image de synthèse, avec son inépuisable pouvoir métamorphique et sa capacité de temporalisation, génétique ou perceptive des formes (à cet égard les battements, les pulsations chromatiques des Native Movies sont significatifs), semble faire de l'informe le simple effet d'une technique. En livrant ces mutants que sont les Native Drawings, produits formels de l'informe, l'art de Convert donne à penser qu'à l'âge du morphing quelque chose comme une araignée ou un crachat peut ressembler à tout aussi bien que ne ressembler à rien. A distance de toute euphorie processuelle ou techniciste, ces grands dessins pourraient bien avoir pour vertu de prendre acte de ce phénomène : la stabilité des identités figurales, à laquelle attente l'informe, tend à perdre de son autorité à l'ère du numérique.

Si l'informe est en voie de devenir, est peut-être même d'ores et déjà devenu, une catégorie esthétique, si est apparue une manière de rhétorique de l'informe (comment fomenter ou percevoir l'informe dans la forme ?), s'il est possible de donner le mode d'emploi de l'informe (26), alors la formalisation de l'informe à laquelle ont donné lieu les manipulations informatiques dont résultent les Native Drawings prennent un tour singulier. Informer l'informe en le déformant grâce à l'outil numérique revient peut-être, très paradoxalement, à sauver l'informe d'un destin figural contraire à son mouvement. Métamorphoser le signe de l'informe en diverses figures pour qu'il ne devienne pas, comme informe, une figure. Autrement dit, en allant jusqu'à soumettre l'informe à une stratégie "pop" du "tout-image", en formalisant, spectaculairement, manifestement, les marques de l'informe en une série, en un univers de perspectives, toutes différentes et équivalentes (27), les Native Drawings sont probablement, et étrangement, restés fidèles à ce quelque chose de leur extraction comme un crachat ou une araignée – en quoi ces pièces mériteraient pleinement l'adjectif de leur titre.

Et si donc les Natives montrent – et c'est là leur originalité – l'informe informé, là où l'oeil avait peut-être pris l'habitude de voir la sape de la forme par l'informe, l'avait domestiquée, cela signifie que la vision offerte est celle d'une tension, d'une belligérance et non celle d'une nouvelle forme modélisée à partir d'un informe que les computs de l'informatique auraient totalement converti, transmué. En d'autres termes, ce qui est étrange dans le spectacle dispensé par ces spacieux graphes muraux, c'est bien, fondamentalement, la tension qu'ils installent entre l'informe qui affecte les dessins de Mona et la forme qu'exhibe Mona, ce mixte paradoxal de régression et de high tech – sauf peut-être dans le cas de la frise, avec laquelle le traitement formel est si poussé, si métamorphique que le gribouillage initial est complètement oublié, au profit, il est vrai, d'un authentique voyage dans l'espace-temps pictural. Certes, le rapport agonistique qui structure la scène s'est inversé ; l'offensé n'est plus la forme, mais l'informe. Néanmoins, la polarité demeure. C'est elle qui garantit la réussite opérale en suscitant le trouble du spectateur, et c'est à cause d'elle, en dernière instance, que ces dessins véhiculent autant d'étrangeté. Cette polarité, c'est elle qui, grâce à l'inversion de ses termes, préserve ce principe de la lutte que les succès de l'informe, et la stase figurale qui en résulte, avaient fini par quelque peu estomper. Finalement, Convert s'avère être un dialecticien – finalement, car, à l'évidence, il est de ces artistes qui trouvent ce qu'ils cherchent en faisant, et non de ceux qui font parce qu'ils ont trouvé ce qu'ils cherchaient. En numérisant l'informe pour le déformer, il a, de quelque chose comme un crachat ou une araignée, fait un univers – un univers encore plus déconcertant que son informe origine.

Dans les ultimes pages du volume qu'il a consacré à Pascal Convert, Georges Didi-Huberman écrit, à propos des Natives, que " quelque chose d'absolument différent – mais, bien sûr apparenté – se met à naître, commence juste de surgir, et qui devrait tout relancer, tout remettre en question (28) ". Si cette série est apparentée au reste de l'oeuvre, c'est à travers l'apparentement ; si elle est dans la lignée des travaux qui l'ont précédée, c'est qu'elle intéresse la question de l'origine, de la nativité. L'empreinte a constitué l'une des réponses à la question du rapport à entretenir avec l'origine, la numérisation et la mise en perspective du dessin d'enfant en sont une autre. Et si la série des Natives est, en même temps, différente, originale, c'est certes pour les raisons que l'on a tenté d'éclairer dans les pages qui précèdent, mais c'est aussi en ce que ces dessins muraux inaugurent, dans l'oeuvre de Convert, une modalité nouvelle d'implication de la peinture. C'est avec pénétration que Didi-Huberman souligne que le paradigme dont cet oeuvre " développe, non pas la nostalgie, mais simplement la perte questionnée " n'est autre que la peinture – une peinture dont le rôle est ainsi celui de " l'absente ", de la " retirée ", de " l'endeuillante ", une peinture à " l'existence défective " (29). Avec les Native Drawings, le geste pictural semble avoir cette fois scellé un pacte, en couleur, avec la positivité, la présence.

Michel Gauthier

 

1 - La technique du sablage avait déjà été utilisée par l'artiste, notamment pour une série de pièces "japonaises" comme ce Keshiki (1993-94), immense mur de verre de 220 x 1782 cm dans lequel ont été gravés des motifs représentant des éléments végétaux sur un plan d'eau.

2 - Voir la plaquette éditée à cette occasion avec un texte de l'artiste et un autre d'Alfred Pacquement (Ecole Alsacienne, Paris, 2000)

3 - L'un d'eux a été réalisé dans la galerie carrée de la Villa Arson (Nice) à l'occasion de l'exposition Le monde après la photographie, organisée par Régis Durand du 2 février au 21 avril 1996.

4 - Ce dessin mural a été réalisé à l'occasion d'une exposition au Crosby Street Space (New York), en mai 1996.

5 - Ces différentes versions sont identifiées par l'artiste au moyen de numéros. A Amiens, furent montrées les caméras 1 / 2 / 3 / 4 de Mona 1, Mona 2, Mona 3 et Mona 6. A Paris, à la galerie Site Odéon n° 5, les dessins exposées appartenaient au groupe Mona 3 ; ils se présentaient sous les angles donnés par les caméras 1 / 4 / 5 / 6 / 7 ; deux perspectives étaient donc communes aux deux expositions.

6 - Dans le cas des Native Drawings, l'espace à trois dimensions dans lequel le dessin est déployé est virtuel, c'est celui de l'image de synthèse sur l'écran. Un travail récent – l'installation réalisée par Simone Decker, sous le titre de White Noise, durant l'hiver 1999, au centre d'art de la Synagogue de Delme (Lorraine) – s'est proposé de tenter une tridimensionnalisation du dessin dans le réel. En effet, avec des bandes de ruban adhésif de différentes couleurs tendues en tous sens (50 km de ruban furent au total utilisés), l'artiste tirait en quelque sorte des traits dans l'espace, des traits visibles de devant, de derrière, de profil, de dessus, de dessous, etc. Le public pouvait s'aventurer au coeur même du dessin, à ses risques et périls d'ailleurs, compte tenu de l'adhésivité des traits. Bien sûr le dessin de Decker était formellement plus simple que ceux de Convert, il ne connaissait que des droites, ce qui rendait plus aisé son déploiement dans l'espace réel.

7 - Pour une analyse plus complète de Leçon de choses, je renvoie au volume des Cahiers de l'Ircam consacré à Philippe Hurel (collection "Compositeurs d'aujourd'hui", Ircam, Centre Georges Pompidou, Paris, 1994) et, plus particulièrement à l'entretien de Guy Lelong avec le compositeur (voir pp. 39-41) et à l'étude de Catherine Tognan, "Leçon de choses - Analyse" (voir pp. 59-61).

8 - Georges Didi-Huberman, La demeure, la souche / Apparentements de l'artiste, Paris, Les Editions de Minuit, 1999, p. 26.

9 - C'est ainsi que Hans-Michael Herzog intitule une étude sur la peinture de Lasker ("Eingefrorene Spontaneität", Jonathan Lasker, Gemälde 1977-1997, Ostfildern-Ruit, Cantz, 1998, pp. 7-9).

10 - Camille Morineau, "Jonathan Lasker : Mécaniques d'une intimité perdue", catalogue Abstraction / Abstractions - Géométries Provisoires, Saint-Etienne, Musée d'Art Moderne, 1997, p. 52.

11 - En effet, les "modèles" de Lasker contiennent la quasi-totalité des effets matériologiques que les toiles donnent à voir. Cet effet de loupe est donc purement imaginaire. Il n'est en est pas moins actif. Sur les maquettes du peintre, voir l'ouvrage de Rainer Crone et David Moos, Jonathan Lasker / Telling the Tales of Painting (About Abstraction at the End of the Millenium), Edition Cantz, Stuutgart, 1993. Cinquante-deux maquettes y sont reproduites à l'échelle 1.

12 - On se souvient que Charles Sanders Peirce classe les signes en trois catégories : l'icône, l'indice et le symbole. L'icône est ce qui exhibe la même qualité, ou la même configuration de qualités, que l'objet dénoté – étant entendu que cette qualité peut relever de n'importe quel paramètre matériel et non du seul paramètre morphique, comme on le croit trop souvent. L'indice est un signe qui se trouve lui-même en contiguïté avec l'objet dénoté, comme, par exemple, la girouette qui montre la direction du vent ou les empreintes de pas qui attestent le passage d'un individu. Le symbole se réfère à quelque chose par la force d'une convention ; c'est le cas des mots de la langue.

13 - Oxydation Paintings (1977-1982), Shadow Paintings (1978-1979), Egg Paintings (1982), Yarn Paintings (1983), Rorschach Paintings (1984) et Camouflage Paintings (1987).

14 - G. Didi-Huberman, op. cit., p. 145.

15 - Jean-Pierre Criqui, "L'appartement, la fabrique", catalogue Pascal Convert, Rome, Villa Médicis, Clisson, La Garenne Lemot, 1990, p.15.

16 - Voir l'ouvrage de Piers Bizony, 2001, le futur selon Kubrick, traduit de l'anglais par O. Guéret et C. Tatum, Jr, Paris, Cahiers du Cinéma, 2000, p. 70.

17 - Convert a d'ailleurs lui-même pointé cette ressemblance dans un entretien avec J.-P. Criqui contenu dans le catalogue de l'exposition organisée par le Kunstverein de Bonn de décembre 1992 à février 1993 (Pascal Convert, Bonner Kunstverein / Institut français de Bonn, 1992, p. 12).

18 - Voir sur cette pièce le catalogue Erwin Driessens & Maria Verstappen, Chapelle du Genêteil, Le Carré, centre culturel des Ursulines, 1997. A propos du travail de ces deux artistes je me permets de renvoyer à mon article "À cire perdue", Omnibus n° 31, janvier 2000, pp. 4-5.

19 - Voir sur ce thème l'étude de Michel Menu, "L'empreinte mystérieuse", catalogue Pascal Convert - Native Drawings, Amiens, Fonds régional d'art contemporain de Picardie, 2000, pp. 65-77.

20 - Ces deux livres ont été publiés par les Editions Gallimard, Paris.

21 - Il y aurait une passionnante enquête à mener sur le rôle de passeur joué par la science-fiction pour certaines productions plastique particulièrement hétérodoxes. De la même façon, pareille enquête conduite à propos de la musique confirmerait sans doute l'hypothèse selon laquelle c'est à travers la bande-son de films de science-fiction, voire d'horreur, que les courants sériel ou spectral, pour ne citer que ceux-là, se diffusent dans la société au-delà du premier cercle de leurs amateurs.

22 - Georges Bataille, Oeuvres complètes, t. 1, Paris, Gallimard, 1970, p. 217.

23 - Documents n°7, 1930, volume 2 de la réimpression des Editions Jean-Michel Place (Paris, 1991), réimpression préfacée par Denis Hollier, dont le recueil d'essais La prise de la Concorde (Paris, Gallimard, 1974) demeure la référence des études batailliennes. S'agissant de Documents, de ses illustrations et du rapport qu'elles entretiennent avec les textes, je renvoie à l'ouvrage de Georges Didi-Huberman, La ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille (Paris, Macula, 1995).

24 - "L'informe : mode d'emploi", une exposition conçue par Yve-Alain Bois et Rosalind Krauss et présentée par le Centre Georges Pompidou de mai à août 1996.

25 - G. Didi-Huberman, La ressemblance informe, op. cit., p. 135.

26 - Il faut reconnaître qu'Y.-A. Bois dans l'introduction de l'ouvrage qui accompagnait l'exposition "L'informe : mode d'emploi", pointait ce possible destin de l'informe  (" cela comporte un risque, celui de transformer l'" informe " en figure, de le stabiliser ", "La valeur d'usage de l'informe", L'informe : mode d'emploi, Paris, Éditions du Centre Georges Pompidou, 1996, p. 37).  

27 - On aurait presque envie de dire que les différentes perspectives d'un dessin doivent être tenues pour équivalentes de la même façon Lawrence Weiner indiquait, en 1969, que les différents états de ses pièces (1. réalisation par l'artiste, 2. par un autre que l'artiste, 3. non-réalisation) s'équivalaient.

28 - G. Didi-Huberman, La demeure, la souche, op. cit., p. 164.

29 - Id., p.130 et 131.

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